Corrélation entre système d’écriture et Civilisation

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David Wabeladio Payi, inventeur de l’écriture mandombé

Outre ma naissance, l’année 1978 a été marquée par un évènement dont l’historicité est restée pour le moins confidentielle contrairement à autre évènement, lui, planétaire à savoir l’élection de l’archevêque de Cracovie Karol Wojtyla comme nouveau Pape de l’Eglise Romaine, Jean-Paul II. Ce dont nous voulons précisément parler ici c’est de l’invention, au Congo (Zaïre à l’époque), de l’écriture inspirée qu’est le « mandombé » par le chercheur David Wabeladio Payi. Ce qui lui valu, rappelons-le, les honneurs de l’Etat du Congo qui l’a récompensé en l’élevant à la dignité de Chevalier de l’Ordre du Léopard et Docteur Honoris Causa de l’Université de Kinshasa, dernière distinction qu’il partage seul avec le Pr Elikia M’bokolo.

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Répartition des différents systèmes d’écriture à travers le monde.

Il nous semble important de souligner cette création (révélation ?) non pas pour se pavaner comme certains de nos compatriotes africains qui pensent à tord que l’élaboration du mandombé serait une première dans l’Histoire où un Africain serait l’auteur d’une écriture autochtone, proprement africaine. Nous le savons, il y a là rien de plus faux qu’une telle assertion, car la réalité historique est sans équivoque à ce sujet, puisque l’écrasante majorité des systèmes écritures inventés par les hommes le fut par des Africains ; que ce soit dans la très haute antiquité ou plus récemment. Ainsi en est-il des écritures pictographiques de Babylonie (Sumer), d’Amérique centrale ou d’Harappa; des écritures logographique de Kemet (Egypte), de Saba, d’Ishango ; des écritures syllabiques de Chine, du Japon, ou cherokee d’Amérique du Nord; ou encore des écritures alphabétiques de Nubie, de Phénicie ou mandé d’Afrique de l’Ouest. De nos jours encore le continent africain est celui qui possède le plus grand nombre de systèmes d’écritures différents comme le guèze, le tifinagh, l’ajami, le vaï, etc. Donc il n’ y a pas se gausser en disant « voilà la première écriture africaine », c’est là montrer son ignorance de la réalité scripturaire africaine qui est très riche.

Non, si nous tenons tout particulièrement à nous remémorer cette invention fulgurante c’est surtout pour nous interroger sur la situation culturelle du Sultanat Zaria-Shabazz, sur le véritable degré de civilisation qui est le sien ou qu’il a l’ambition d’atteindre. Car la question de l’écriture pour une civilisation est tout simplement cruciale, surtout si elle se rêve grande pour les générations à venir. Bien que nous ne négligions pas le rôle central de la parole, il n’en reste pas moins que l’écriture doit tenir une place de choix dans notre Sultanat. Ces deux modes d’expression sont souvent mis en opposition comme le remarque Ludovic Ferrand dans son ouvrage « Psychologie cognitive de la lecture: Reconnaissance des mots écrits chez l’adulte » :

« De manière générale, alors que la parole est un moyen de communication temporaire, dynamique et évanescent, l’écriture est spatiale, statique et permanente. (…) Selon Liberman (1992), la parole est plus « naturelle » que l’écriture en ce sens que toutes les sociétés humaines possèdent une langue parlée alors qu’elles n’ont pas toutes développé de système d’écriture. Aussi, l’acquisition du langage ne nécessite l’acquisition de la lecture-écriture. De plus, par le développement d’aires cérébrales spécifiques, le langage parlée semble être beaucoup plus prédisposé biologiquement que l’est la modalité d’expression écrite, cette dernière étant considérée comme un objet culturel ».

Le caractère permanent que confère l’écriture à une civilisation, ou du moins à la culture d’une civilisation, devrait suffire à convaincre tout souverain à se doter d’un tel outil. Et puis si l’on en croit cette dernière citation, l’activité scripturaire activerait des zones très localisées du cerveau, ce qui fait que l’écriture serait plus un produit culturel qu’une donnée physiologique qui relèverait de l’innée. A ce titre David R. Olson est d’avis « que les enseignants et les politiques puissent se tromper lorsqu’ils perçoivent l’apprentissage de la lecture comme une « compétence » qu’on peut inculquer plutôt que comme une réussite intellectuelle -c’est-à-dire arriver à comprendre comment ce qui est dit peut être représenté comme un ensemble de symboles graphiques ».

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Distribution mondiale du sens de l’écriture.

La lecture et l’écriture sont des faits hautement culturels qui façonnent le cerveau, stimulent son activité et par conséquent produisent des civilisations de degrés et diversités variables. Car, en effet, de la forme d’écriture adoptée par une Nation dépend son évolution culturelle. David R. Olson même de nous préciser « qu’il est erronée de penser qu’un système d’écriture donné puisse avoir le même effet sur la conscience du langage que n’importe quel autre ».

Cette dichotomie entre l’écriture-lecture et le développement du couple activité cérébrale/civilisation se confirme avec le cas du Japon où les populations de ce pays utilisent plusieurs systèmes d’écriture à la fois. En effet en commentant le livre « L’impair et le pair. Asymétrie du cerveau et dynamique des systèmes des signes » de Vjatcheslav Vsevolodovitch Ivanov, Madeleine Arnold constate que « le rôle de chaque hémisphère se concrétise dans l’écriture utilisée : dans la culture japonaise, par exemple, laquelle se sert simultanément des hiéroglyphes et des signes de l’alphabet, les premiers sont d’accord pris en charge par l’hémisphère droit et enregistrés ensuite dans le code lexical de l’hémisphère gauche, tandis que les seconds s’absorbent directement par l’hémisphère gauche. De cette manière, on comprend mieux l’approche de Lévi-Strauss qui interprète ce double système d’écriture comme un « double standard » de la culture japonaise toute entière, de la société à la fois industrielle et mythologique ».

Ainsi le système d’écriture choisi a forcément des répercussions sur l’activité cérébrale de l’individu mais de surcroit modèle également le type de société dans lequel évolue cet individu. Ce qui amène parfois à certaines conclusions partisanes et biaisées comme l’idée défendue par le jésuite américain Walter-J. On qui pose que l’alphabétisme serait, selon lui, le système d’écriture parfait de transcription des sons qui stimulerait notamment la partie gauche du cerveau et aurait pour effet de nourrir, au point de vue de la physiologie cérébrale, les idées abstraites et analytiques. En somme, ce prêtre catholique tente malhabilement de défendre la supériorité de la civilisation occidentale qui n’utilise qu’un seul système d’écriture, en l’occurrence le système alphabétique grecque (dérivé du phénicien).
Son assertion est balayée par d’autres travaux comme ceux de Jean-Pierre Levet qui reconnait que « la prépondérance du système alphabétique tient grandement à ce que dans le monde actuel prévalent par hasard les zones de culture alphabétique, et non pas à ce que ce système d’écriture est intrinsèquement supérieur au point de vue de la « physiologie cérébrale ». On pourrait bien supposer qu’il y a un certain parallélisme entre la graphie et la puissance économique et culturelle d’une époque, mais le cours de l’histoire du monde n’est pas assez transparent pour qu’on puisse en déceler de tels rapport »

A y regarder de plus près, l’on constate que le continent africain et une large part de sa diaspora sont à ce jour (encore) dominés par le système d’écriture grec imposé par le diktat de l’impérialisme occidental. Contrairement à ces derniers qui ont réussi à émerger sur certains points jusqu’à même se hisser au sommet des activités de commerce international, de diplomatie, de domination militaire ou encore d’excellence académique, les pays africains et diasporiques quant à eux pataugent toujours dans le nihilisme social avec ce système d’écriture grec qui semble plomber leur génie-créateur.

Il revient donc aux véritables dirigeants africains de s’émanciper intellectuellement, socialement, scientifiquement, politiquement, économiquement et culturellement de l’Occident. Et cela passe d’abord le recours à un mode d’écriture qui tranche définitivement et irréversiblement avec le passif colonial. Il est difficile d’affirmer sa spécificité en se revendiquant pleinement du génie d’autrui. Et vu l’importance et l’impact du système d’écriture adopté sur l’activité cérébrale et le développement d’une Nation, se refuser de rompre avec le diktat occidental est plus qu’un non-sens historique mais un crime contre la Nation. Ce qui explique par exemple que Sa Majesté Impériale An-Anu :El-Bey le Komo-Nkonzi de l’Empire-Maure-Amexem (E-M-A) ai promu le moorabiya dès la ré-émergence maure.

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L’écriture mandombé adoptée comme écriture nationale zariate à côté du moorabiya

Pour notre part le sultanat Zaria-Shabazz fera, par décret magistral, du mandombé le système d’écriture national en plus du moorabiya en vigueur. Ceci mettra fin à cet important flux financier vers les pays occidentaux puisque les documents, les livres, l’éducation, les activités culturelles comme le cinéma, la musique, le théâtre, etc. étaient produits non seulement dans leur langue mais surtout avec leur système d’écriture grec. Dès lors nous produirons nous même le nécessaire écrit pour nos administrations, nos institutions, nos usages publics et privés sans pas passer par Paris, Londres, Lisbonne, Madrid, Berlin ou encore Athènes.

Sa Majesté Magistrale Tahéruka Shabazz, Chef de la Maison Royale Zaria-Shabazz

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